
Amandine Glévarec — Peux-tu nous expliquer comment on devient éditeur ?
Thierry Bodin-Hullin — Je suppose qu’on devient éditeur par passion, même si c’est une réponse qui peut paraître un peu bateau. J’ai toujours baigné dans le livre, depuis tout jeune, depuis l’école, et j’ai toujours eu envie d’étudier la littérature, d’écrire. J’ai d’ailleurs commencé très tôt, vers 12 ans. J’écrivais beaucoup de poésie, des récits, des contes, des petits journaux que je faisais à la maison. J’ai fabriqué mes premiers livres avec mes frères, quand j’étais petit, sur des feuilles doubles. On faisait chacun un petit journal interne, qui était lu par trois personnes, en l’occurrence eux et moi. Un de mes frères avait fondé Les Petits potins, moi, Le Triangle bleu. Je touchais déjà la matière, je créais du contenant. À la même période, ma marraine m’a offert une machine à écrire pour mon anniversaire, c’est sans doute un des plus beaux cadeaux que l’on ne m’ait jamais fait. À partir de ce moment-là, je pouvais commencer à faire de la mise en pages, dessiner, relier… On peut donc dire que c’est une passion de jeunesse.
Par la suite, j’ai entamé des études littéraires, toujours absorbé par la lecture, l’écriture et le monde du livre. À 25 ans, j’ai pensé à être libraire. J’ai donc fait une étude de marché et je me suis aperçu que ça ne rapportait pas grand-chose d’être libraire, dans les années 80. Encore aujourd’hui, me diras-tu. À l’époque, je vivais à Paris. Toujours est-il que le projet est resté à l’état d’ébauche. Après mes études littéraires, je suis devenu enseignant, puis, peu enclin à poursuivre l’enseignement, j’ai eu l’opportunité de travailler en faveur des publics en difficulté. J’ai œuvré pendant 35 ans dans la sphère des politiques publiques d’insertion, de formation et d’orientation auprès des jeunes en situation d’échec, des demandeurs d’emploi et des salariés. Mais la lecture a toujours été présente et les vieux démons ont fini par se manifester à nouveau. Il se trouve qu’un de mes amis m’avait fait lire son manuscrit. Je l’avais trouvé très bon, mais il ne trouvait pas d’éditeur intéressé et ça m’a un peu fait gamberger. Je lui ai proposé de monter une maison d’édition qui permettrait de donner vie à des manuscrits qui ne trouvaient pas preneur, qui serait en quelque sorte une maison d’édition pour premiers romans. Nous en avons parlé à plusieurs personnes de notre entourage, qui ont adhéré au projet. C’est ainsi que sont nées les éditions L’Escarbille, sous la forme associative, le concept étant donc d’éditer exclusivement des premiers romans.
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