La méthode Émilie Ménard

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Amandine Glévarec – Chère Émilie, nous nous sommes rencontrées dans un salon du livre mais j’apprends sur ton site que ta passion première est la peinture. Peux-tu nous en dire plus sur ta vie d’artiste, des débuts à aujourd’hui ?

Émilie MénardDepuis toute petite, le dessin a toujours été une passion. J’avais du temps libre car j’ai réalisé toute ma scolarité à la maison, ce qui me permettait de dessiner et de lire pendant des heures.

Je fus ensuite détournée de ma trajectoire, et je dus exercer pendant quelques années un métier très éloigné de l’art mais qui m’appris beaucoup de choses.

Je continuais en parallèle de peindre mais j’avais beaucoup de mal à me lancer, je ne savais pas par où commencer !

Jusqu’au jour où les circonstances me permirent de me lancer à temps plein dans ce métier. Je ne savais pas si ça allait marcher, je n’étais pas très sûre de moi au début. Je réalisais une première exposition, puis une deuxième… Les choses se sont ensuite enchaînées naturellement, j’ai fait de bonnes rencontres, j’ai eu de belles opportunités… J’ai l’impression d’avoir de la chance, même si les choses sont loin d’être faciles tous les jours.

À présent j’expose régulièrement, je vends mes tableaux ou je réalise des commandes. En parallèle, je donne aussi des cours de dessin et de peinture ; j’adore transmettre mes connaissances, et j’apprends énormément au contact de mes élèves.

A. G. – Tu as fait le choix courageux de consacrer ta carrière à ton art. En ce moment la précarité des auteurs est dénoncée, dans ton domaine est-il possible de vivre de son pinceau ?

É. M. – Tout est possible, mais rien n’est facile. Je pense qu’il faut avoir une grand capacité d’adaptation, ne pas hésiter à se diversifier. Savoir se remettre en question par moments (mais pas tous les jours, sinon on n’avance jamais !) et ne pas rester bloqué sur un unique style ou projet alors que cela n’aboutit pas. Beaucoup de travail et un peu de chance feront le reste !

A. G. – Tu as publié en 2017 ton premier livre. L’envie d’écrire était-elle présente depuis longtemps ?

É. M. – Oui, depuis très longtemps ! Avant même la peinture. C’est le tout premier métier que je voulais faire quand j’étais enfant. J’ai commencé à écrire très jeune, d’ailleurs j’ai récemment remis la main sur un manuscrit que j’avais réussi à finir quand j’avais treize ans… J’adorais créer des univers, inventer des personnages et leur faire vivre des aventures.

A. G. – Comment as-tu réussi à trouver un éditeur – en l’occurrence Ellébore – as-tu soumis un projet ou directement un manuscrit achevé, est-ce que ça a pris du temps, as-tu douté ?

É. M. – Comme je le disais, beaucoup de travail et un peu de chance. J’ai commencé à soumettre le projet une fois que le manuscrit était achevé, j’avais dû le relire au moins mille fois ! C’est très difficile de décider que le projet est terminé, que l’on a fait de notre mieux et qu’on peut enfin le soumettre aux éditeurs… Beaucoup de travail, donc.

Mais j’ai aussi eu un peu de chance : je ne gravitais pas du tout dans le milieu de l’édition, je n’avais aucun contact, ce n’est donc pas sans une certaine inquiétude que j’ai commencé mes recherches d’éditeur. C’est à cette période que j’ai fait une rencontre qui a tout changé, l’amie de l’un de mes amis, je ne la remercierai jamais assez. C’est elle qui m’a demandé de lui envoyer mon manuscrit et qui l’a présenté à Ellébore.

A. G. – Pour en arriver à ton livre, qui est vraiment drôle, tu l’as intitulé très clairement : Repérer et neutraliser un boulet. Alors dis-moi, c’est quoi un boulet ?

É. M. – Le sens du « boulet » dans mon livre, c’est surtout un mec qui ne correspond pas à nos attentes. Avec qui ça ne va pas être possible de rester parce qu’il y a quelque chose qui cloche chez lui et que cela va irrémédiablement compromettre la relation malgré notre meilleure volonté. Cependant, on peut toujours tenter l’aventure. D’ailleurs, j’explique dans chaque profil « comment le chopper ». Mais le long terme est généralement compromis (vous verrez comment dans « ça dégénère ») !

A. G. – As-tu des profils que tu n’as pas pu retenir par manque de place. Si non, quel est ton profil « préféré », celui qui ne peut pas t’empêcher de te faire rire autant qu’il t’agace tant il est dans la caricature de lui-même ?

É. M. – J’ai pu développer tous les profils que je voulais mais j’ai eu quelques nouvelles idées depuis !

Mon préféré est sans doute « Le vieux libertin dépravé ». Je l’ai fait lire à la personne qui l’a inspiré, ça l’a bien fait rire aussi…

A. G. – Sous le ton faussement naïf, il y a tout de même une véritable interrogation psychologique sur les différents types d’hommes parfois nocifs que nous pouvons rencontrer dans notre vie affective. As-tu sollicité un psychologue pour t’aider à peaufiner ton analyse ?

É. M. – Effectivement, le livre n’est pas aussi léger qu’il y paraît au premier abord. Je n’ai cependant pas consulté de psychologue pour l’écrire. Ce n’est pas un ouvrage de psychologie avec une analyse froide et distanciée mais plus un témoignage qui décrit avec humour les émotions que l’on peut ressentir en vivant ces histoires. Cela m’a aidé à relativiser de l’écrire, et j’espère que cela aidera aussi les lectrices et que cela les fera rire de situations qui étaient plutôt navrantes sur le moment. Je suis convaincue que notre ressenti est une question de point de vue et que la plupart de nos mésaventures nous font généralement sourire avec un peu de recul.

A. G. – Ton titre contient un verbe qui n’est absolument pas anodin : « neutraliser ». Là encore, est-ce que ton livre peut être utile quand on tombe sur des hommes qui peuvent se montrer dangereux, bien entendu je pense au fameux pervers narcissique. Peut-on d’ailleurs réellement échapper à une histoire d’amour foireuse dès le début ?

É. M. – C’est une très bonne question. J’ai effectivement décrit un pervers narcissique dans mon livre. Je ne prétends pas livrer la solution contre ces individus, je parle plus de mon vécu sur ce genre d’expérience et ma seule et unique recommandation est, bien entendu, la fuite. C’est souvent la seule solution avec les mecs qui sont dangereux comme tu le dis, ou toxiques, tous ceux qui nous font souffrir. Ce n’est pas simple d’avoir le radar pour les détecter à temps mais si on écoute notre instinct on sait généralement qu’un mec va nous faire du mal. Il suffit de lui poser quelques questions sur ses histoires passées… On choisit souvent de se voiler la face parce que le mec nous plaît et qu’on se dit qu’avec nous ce sera différent. Mon seul conseil est donc de disparaître, vite et loin. Ne jamais espérer le changer surtout !

A. G. – Tu es une jeune femme, tu peins des femmes, tu écris pour des femmes, tu te sens femme je n’en doute pas, mais es-tu féministe ? Comment te positionnes-tu dans notre société sur ce point précis et en même temps très large ?

É. M. – Je me suis renseignée sur le sens exact du mot « féministe » afin de savoir si je pouvais entrer dans cette case. Je pensais pendant longtemps que le féminisme désignait être favorable à l’égalité homme/femme et c’est pourquoi je me sentais féministe. Evidemment, il y aura toujours quelqu’un pour soutenir que l’on est « différent », « complémentaires » ou je ne sais quoi pour contester cette égalité. On parle d’une égalité en droits et en liberté, que cela soit le fait de gagner un salaire égal pour un même boulot, de pouvoir se promener dans la rue sans se faire tripoter ou même d’avoir une vie amoureuse où l’on ne sera pas jugée plus durement qu’un mec pour le même comportement.

Mais en me renseignant mieux sur le féminisme, j’ai appris qu’il y avait une démarche militante, une revendication dans le fait de se considérer féministe. Ce n’est pas mon cas. Je suis pour l’égalité homme/femme, pour l’égalité entre les hommes, ou entre les femmes… Je suis pour tout ce qui me paraît juste. Je n’ai jamais souffert d’être une femme et je pense que nous ne sommes pas oppressées en France, ce n’est donc pas un combat que j’ai choisi de mener spécifiquement même si je pense qu’il a toujours lieu d’exister.

A. G. – Il est dit que ton prochain livre sera consacré « aux boulettes », as-tu trouvé tous tes profils ou est-ce que ça se confirme que, vraiment, les femmes sont bien moins pénibles que les hommes ? 😉

 É. M. – En effet, j’ai presque terminé le livre sur « les boulettes » (qui portera un autre nom…) mais j’ai eu pas mal de difficultés au début pour l’écrire ! J’avais beaucoup de mal à me mettre dans la peau d’un homme, de ce qu’il pouvait ressentir. J’ai donc interrogé des mecs, certains me soutenaient n’avoir jamais croisé de boulettes mais la majorité avait beaucoup à dire sur le sujet ! Ils m’ont fait part de leurs expériences, de leurs émotions, peu à peu j’ai réussi à me mettre à leur place et à écrire de nombreux profils. Cela m’a aidé à réaliser que nous sommes tout aussi pénibles que les mecs… Et oui, pour rater son histoire d’amour, il faut être deux ! J’en conclue qu’on est toutes et tous le boulet de quelqu’un tôt ou tard.

A. G. – Où peut-on se tenir informé de ton actualité ? (prochaines expo, livre…)

É. M. – J’ai un site internet avec toutes les informations sur mon actualité.

Je suis également très présente sur les réseaux sociaux, sur Facebook ou sur Instagram.