La méthode Zarca

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Amandine Glévarec – Tu es né en 1984, ce qui fait de toi un jeune homme, depuis quand écris-tu?

Johann Zarca – Alors, j’écris depuis tout petit, depuis que je sais écrire en fait. Mais ce qui m’animait à l’époque, ce n’était pas l’écriture en elle-même, mais raconter des histoires et les mettre en forme. Déjà en primaire, je racontais des histoires à mon grand frère qui les retranscrivait sur l’ordinateur – j’étais trop flemmard pour taper moi-même sur le clavier d’ordinateur. On imprimait ensuite mon texte que je distribuais à mes camarades de classe. Mais je pense qu’à cette époque-là si j’avais eu une caméra, j’aurais plutôt tourné un film. J’ai toujours voulu mettre en forme mes histoires mais l’écriture était le moyen le plus simple d’y arriver.

A. G. – Quand as-tu eu envie de soumettre tes textes à des éditeurs? 

J. Z. – Dès que j’ai écrit mon premier roman Le Boss de Boulogne. C’était en 2009 et il m’a fallu un petit temps avant que le Boss rencontre son éditrice.

A. G. – Tu as un style très particulier, qui mêle argot et langage familier, et tu abordes des sujets de société, certes, mais assez hors normes. Ce sont des éléments que tu as dû prendre en compte, j’imagine, pour sélectionner les maisons à qui envoyer tes textes? Comment t’y es-tu pris pour choisir ? As-tu misé sur les lignes éditoriales ou sur le réseau, si réseau il y avait?

J. Z. – À l’époque je n’avais aucun réseau, ou très peu. Et ce sont les éditions Don Quichotte qui sont venues vers moi en découvrant mon blog Le Mec de l’Underground.

Avant Don Quichotte (et avant le blog) j’avais ciblé trois éditeurs en fonction de leur ligne éditoriale. La Série noire de Gallimard puisque Le Boss de Boulogne était dans cette veine du roman noir, Moisson Rouge qui avait édité Rachid Santaki (une maison d’édition donc sensible à l’esprit urbain et ouverte à l’argot contemporain) et La Tengo qui avait publié Jeremy Guez et qui par la suite est devenu mon éditeur. Dans le premier cas, j’ai essuyé un refus mais très encourageant, appuyé par une lettre précise et bienveillante d’Aurélien Masson (le Boss de la Série noire). Moisson Rouge avait émis des réserves sur mon bouquin mais était prêt à bosser avec moi quant à La Tengo, j’attends toujours mon contrat qui était censé arriver, même s’ils ne le reconnaissent pas aujourd’hui.

A. G. – Comment es-tu entré en contact avec les éditions Don Quichotte

J. Z. – Mon blog avait un an quand un article est paru sur les Inrocks, à propos d’un de mes textes sur les Vélibs. C’est ainsi que les Editions Don Quichotte m’ont remarqué. Comme elles publiaient des rappeurs – Jean Gab’1, Diams et d’autres – je pense que le côté « littérature street » a plu à mon éditrice. Elle m’a contacté, je lui ai envoyé Le Boss de Boulogne et ça a matché.

Au début, j’ai créé le blog comme une vitrine, justement pour me faire repérer. Le scénario s’est réalisé mais au final mes romans sont assez différents du blog. Le Mec de l’Underground n’est pas mort avec mes romans, j’ai encore des projets pour lui.

Mes romans abordent des univers très noirs, glauques, « Underground » tandis que le blog a une visée humoristique. Le Mec de l’Underground serait presque une parodie de Paname Underground, truffée de pieds-nickelés modernes à fond dans la came et les grecs sauce samouraï. Ce n’était pas un calcul de ma part mais je pense que pour accrocher des lecteurs avec des courts articles, nouvelles et de la fiction, il n’y a que l’humour.

A. G. – Tu es depuis resté fidèle à ton éditrice, sauf pour P’tit monstre paru en 2017 aux éditions La Tengo. Pourquoi cette échappée?

J. Z. – Seuls mes deux premiers romans ont été édités chez Don Quichotte, les deux autres ailleurs. Je ne vais pas te mentir, mon éditrice a refusé plusieurs de mes romans alors je suis allé ailleurs. Rien d’incroyable, c’est assez classique dans l’édition.

A. G. – En 2017 aussi, tu fais paraitre Paname Underground aux Éditions de la Goutte d’or, roman qui obtient le Prix de Flore (en même temps que celui de Pierre Ducrozet). Que te souhaiter pour les années à venir, toi qui es encore bien jeune?

J. Z. – Au risque d’enfoncer une porte ouverte, j’espère que mes futurs romans rencontreront leur lectorat. Je ne suis pas contre un autre prix littéraire prestigieux ou un bestseller. En gros, je veux réussir en tant qu’auteur, en tant qu’éditeur et en tant que… nan rien, c’est encore trop tôt pour en parler.

A. G. – La promo au quotidien, ça a beaucoup changé depuis le Prix? Ne crains tu pas de retomber dans un certain anonymat? 

J. Z. – La promo de Paname Underground a changé mon état émotionnel après le Prix de Flore mais n’a certainement pas changé ma vie. Je me suis remis à bosser, j’ai la même vie et le même rythme qu’avant même si je suis un peu plus exposé. Retomber dans l’anonymat, je n’y crois pas. En fait, je me parasite assez peu avec la peur, je suis plutôt guidé par des émotions positives, des projets, l’envie de créer. Perso, je pense continuer à fister le game, je n’en suis qu’à mes débuts. Je n’ai jamais eu l’intention de me laisser sombrer et j’arrive de plus en plus à canaliser ma créativité.

A. G. – J’ai une dernière question en plus, la plus idiote des questions, tu vis de ton écriture ou tu dois t’arranger avec un travail salarié à côté, et comment gérer ton temps de promo dans ce cas…

J. Z. – En fait, j’étais coursier jusqu’à récemment mais j’ai réussi à décrocher le graal : je suis au chômage, ce qui me permet de me consacrer entièrement à l’écriture et à l’édition.

A. G. – La question bonus : est-ce que tu lis beaucoup ? Je suis bien curieuse de savoir ce qui te fait passer des nuits blanches… 

J. Z. – Je ne lis plus des masses – je parle de romans mais je lis pas mal d’actualités, les journaux, articles… -, en fiction je lis essentiellement les potes ou les gens que je connais et apprécie : Romain Ternaux, Rachid Santaki, Jean Marc Royon, Marc Bruimaud… j’ai beaucoup de belles plumes autour de moi alors je commence par eux.