Outback – Pascal Parrone

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Secret de Polichinelle s’il en est, il m’arrive parfois de recevoir directement dans ma boîte aux lettres des romans envoyés par les auteurs eux-mêmes. C’est ainsi que je me suis retrouvée à lire les 415 pages d’Outback. Une courte recherche sur Internet, quelques échanges de mails m’apprennent que Pascal Parrone a consacré 7 ans à l’écriture de cette première fiction. Et là le kilo de papier se transforme en tonne de responsabilité. Qui suis-je – moi qui ne suis même pas écrivain – pour donner un avis subjectif sur un tel investissement, en termes de temps et d’amour-propre, que chaque romancier – je l’ai vite compris – place dans son œuvre publiée ? Personne. Mais l’auteur est joueur, et me demande de vous livrer ma chronique. Dont acte.

Dès le début du siècle, la communauté composée principalement d’Irlandais à majorité catholique s’était développée lentement et avait prospéré au fil des ans. Le village s’était agrandi. La vie y était paisible, loin de tout.
Une tache sombre souillait malgré tout son histoire ! Une cicatrice qui avait mis du temps à guérir. Un meurtre sordide… Trente ans auparavant, le corps de la jeune Alison Lane avait été retrouvé calciné dans la forêt. Elle avait été poignardée, violée, avait reçu des coups terribles et subi de nombreux sévices, elle avait à peine quinze ans ! À l’époque, la psychose avait été si grande dans la région que certaines familles avaient même quitté la ville pour s’installer ailleurs. Le coupable ne fut jamais démasqué et « l’affaire Alison Lane » était ainsi venue grossir les « dossiers non-classés » de la police criminelle de Brisbane. Plus rien depuis ce drame n’avait troublé la quiétude de Greenfield et avec le temps cette triste histoire avait lentement sombré dans l’oubli.

Malgré quelques helvétismes vite repérés, c’est bien en Australie, dans la bourgade de Greenfield, que prend place l’action. Le premier tiers du roman nous permet de faire connaissance avec les habitants de cette charmante petite ville : Mary, la mère célibataire du facétieux Matt ; Lisa, sa petite amie, fille de bourgeois catholiques fervents ; Lane, le curé qui a perdu sa petite sœur dans un crime horrible perpétré quelques dizaines d’années auparavant ; Phil, le dealer notoire ; Frank, le bon shérif et enfin Ronnie, l’aborigène alcoolique de service. Voilà pour la mise en bouche. Pour la mise en scène, vous devrez donc patienter une bonne centaine de pages avant d’assister à cinq assassinats en rafale, bien sanglants et bien sadiques, comme on les aime. La police, fidèle à elle-même, malgré le renfort du bel inspecteur venu de la grande ville, reste aveugle aux indices laissés par le tueur. Plusieurs suspects se retrouvent en ligne de mire, l’auteur maîtrise son intrigue, ajoute une touche de surnaturel, jusqu’au dénouement final (bien plus barbare que ce que nous aurions pu imaginer).

Jeffrey arrêta sa phrase. Il regarda dans la même direction que son chien et crut apercevoir dans les rouleaux d’une vague quelque chose qu’il prit d’abord pour un sac en plastique. Il ne lui fallut guère longtemps pour comprendre qu’il se trompait. Marisa aperçut la chose elle aussi.
– Qu’est-ce que c’est Jeff ?
– J’en sais rien ! fit-il sans conviction.
En fait, il s’en doutait et son visage inquiet le trahissait. Blutch se mit à courir dans la direction de la chose ballottée dans les vagues et se figea lorsque l’eau recouvrit la majeure partie de ses pattes. Il aboyait de toutes ses forces en direction des vagues.
– Jeff ! fit gravement Marisa, Ce n’est tout de même pas ce que je crois ?
– Je crois que oui ma chérie ! Je vais voir ! Reste là !

Bon point, l’intrigue se tient (nous sommes dans le domaine de la fiction, c’est entendu). Le style, par contre, présente des lacunes propres aux premiers romans n’ayant pas fait l’objet d’une relecture avisée. Les redites et récapitulations inutiles, malheureusement habituelles dans ce genre particulier qu’est le polar, l’effet sensationnaliste (cher auteur, si je n’ai qu’un conseil, c’est bien celui de ne pas abuser des points d’exclamation), les dialogues artificiels qui tiennent lieu de remplissage et qui n’amènent rien à l’action, et le manque de profondeur dans la personnalité des personnages (que le tueur présente des troubles mentaux va de soi mais ne permet pas non plus d’éluder certaines explications), bref le manque de cohérence générale renforcé par certaines longueurs font d’Outback un roman divertissant, scolaire, mais néanmoins pas désagréable pour qui a envie de lire sans se prendre la tête. Un jeune auteur qui, je lui souhaite, persistera, plus vite, plus ramassé et plus fort.

Éditions Mon Village