Réduire Jacky à un bobet serait méchant. Préciser qu’en fait il s’appelle Jean-Hughes et qu’il est étudiant en droit, inutile. Expliquer qu’il a quitté sa Genève pour un tour en Mini dans la France des années 70, un peu plus concret. Mise en place du décor. Jacky est un gentil garçon, un peu naïf, un peu pas-de-chance, un qui se croit grand alors qu’il est encore tout petit, un brave gars dont on aime se moquer, mais pas trop, parce qu’il est touchant comme un enfant. Mise en place du héros.
Me faire larguer par Sylvie… Dire que je lui avais payé une bonne partie du voyage… J’ai été gentil avec elle, je ne l’ai pas brutalisée en voiture. Elle a voulu voir Orange, Vaison-la-Romaine, Avignon, Nîmes, Arles, toutes ces vieilles pierres qui m’emmerdent. Je l’ai accompagnée. Elle râlait parce que le camping d’Hyères était trop bruyant. Elle refusait de marcher. Elle trouvait que ma caisse lui faisait mal au dos… Tout ça pour me plaquer et rentrer à Genève en stop avec une copine d’école, rencontrée par hasard sur le port…
Jacky a 19 ans et pas de chance avec les femmes, ça va de pair. L’officielle fout le camp. Notre pilote de Mini comble sa solitude avec une auto-stoppeuse. Mauvaise pioche. Celle-ci a du bagout, le sac plein de secrets, et surtout beaucoup de monde à ses trousses. Pas vraiment le temps de comprendre pour qui pour quoi, il faut fuir, et voilà comment le récit de vacances tourne au road-trip à 100 à l’heure.
J’aurais dû suivre ma première idée et ne prendre personne… En fait d’idée… J’avise le sac de sport de Réjane. Bleu, assez quelconque, marque Adidas… Je me penche et tire sur la fermeture Éclair. Elle résiste un instant. Du sable ou du sel, le bagage est poisseux. Puis elle s’ouvre d’un coup.
Je ne m’étais pas trompé : à côté des paquets de clopes, posé sur les frusques de la fille, un automatique. Je m’y connais un peu en armes à feu et l’identifie tout de suite comme un Walther. Un 7.65, probablement. Un pistolet assez compact et léger, mais un truc sérieux quand même. La preuve : James Bond l’utilise au cinéma.
Ça commence comme un gentil roman d’aventures mais ne vous y trompez pas, les pistolets sont chargés avec de vraies balles et il y aura du sang et des morts (mais peu de larmes, ce sont des durs quand même). Tout s’accélère lors d’une descente en canoë du Tarn. Jacky se croyait enfin peinard mais visiblement cette histoire est la sienne puisqu’il va s’y retrouver plongé jusqu’au cou. Entre rebondissements et éclaircissements, le lecteur se laisse prendre au jeu de cette histoire bien ficelée.
Effectivement, il y a eu un bruit dans l’entrée.
Heike ne répond pas. Elle se précipite sur son sac. À ma stupéfaction, elle en sort un Walther, du même modèle que celui de Réjane. Elle n’a pas le temps de l’armer pour glisser une balle dans le canon que la porte s’ouvre :
— Heike, tu lâches tout de suite ton jouet, ou je te fais un gros trou dans ta jolie tête !
La voix est éraillée par la fumée et l’alcool. Appuyée par un Colt 45, elle est suffisamment persuasive pour que la fille interrompe le mouvement de charge et pose son automatique sur la table.
Mon cœur fait un bond ; j’ai la sensation que ma cage thoracique explose.
Si vous demandez un polar à notre époque, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez coincé entre un commissaire suédois (alcoolique) et un tueur en série américain (sadique). La Fille qui n’aimait pas la foule nous parle d’un braquage qui a mal tourné et des idéaux de la génération qui avait 20 ans dans les années 70. Des thèmes simples et sains, servis par une écriture saine et simple. Ce livre dénonce la surpopulation et la surconsommation, il nous fait l’économie du sordide. Rafraîchissant.
Éditions BSN Press