Y a plus sexe que la Suisse. Non mais sérieux. Fermez les yeux, vous voyez quoi ? Des vaches et des alpages, Heidi et des marmottes si vous avez l’imagination un peu fertile. (Je ne vous juge pas.)
Mon chaud sang latin ne faisant qu’un tour, j’ai décidé de prendre le problème à bras-le-corps et de me poser sérieusement la question : les Suisses aiment-ils parler d’amour ?
Qui pouvait mieux me renseigner que la librairie HumuS, dont le lourd drapé des rideaux rouges a fait battre un peu plus vite le cœur de bien des amoureux. Un petit parfum de mystère et d’interdit dans l’arrière-fond. Mes yeux deviennent chastes et ne savent plus où se poser, alors je les fixe sur ceux du libraire à qui je demande d’une voix émue le rayon suisse. Sa bouche reste coite.
Comment vous dire… il y a des préjugés qui ont la peau dure certes, mais celui-ci m’a l’air dur tout court : la littérature érotico-helvétique n’existe pas ! Ou peu. Heureusement, en plus d’être pourvoyeur de plaisir, HumuS sait combler l’offre et la demande grâce à ses jolies petites publications, toutes petites, toutes mignonnes et qui tiennent dans la poche.
Pour une première fois, je me dis que trois ce n’est déjà pas si mal.
J’opte pour une fille dont je connais le nom et admire le prénom : Albertine. Habituellement dessinatrice de presse ou jeunesse, la belle s’acoquine ici avec Germano Zullo pour nous faire entrer dans Le Vestiaire de Lilith. En 32 pages et quelques jolis dessins au trait fin, tout un fantasme défile devant nos yeux. Pourtant, l’histoire débute sur un malentendu (comme quoi, c’est possible) : Lilith, journaliste des plus sérieuses, s’en va interviewer une troupe de néo-burlesque, à contre-cœur il faut bien l’avouer. Et la voilà prise à contre-pied quand d’une culotte elle se saisit par erreur ! Il n’en fallait guère plus pour que son imagination s’enflamme et rebondisse ludiquement de vêtements en accessoires. Pas de quoi contenter son rédacteur en chef certes, mais il y aura au moins une heureuse dans l’histoire.
Ma deuxième lecture est bien plus… perturbante. La Vierge branlante est signée de Pierre Yves Lador et – réminiscence involontaire du Livre sur les quais – c’est le sourire bien aimable de ce grand monsieur aux cheveux gris qui s’allume dans ma tête. Je tente – difficilement – de faire l’impasse et de me consacrer totalement à l’œuvre en oubliant le créateur. Le ton est moins léger que dans ma première lecture, plus recherché, même si le propos reste toujours canaille. Un vieux birbe (vieillard ennuyeux, après vérification) rencontre, au détour d’une lecture érotique, une demoiselle de bien des années sa cadette. Vers ses dix-huit ans, la jeune (toujours) vierge propose au vieux monsieur un deal win-win : Je vis, tu écris, m’a-t-elle dit un jour, sans impertinence. L’initiation va d’Histoire de l’œil au Vendée Globe (effet désastreux sur la libido d’une nantaise, comprenne qui pourra) (joli jeu de mot à relever tout de même) en passant par les joies de l’amour de la grappe en groupe. L’hymen (à défaut de l’honneur) de la petite dévergondée restera-t-il entier ? C’est ce que je vous laisse découvrir par vous-mêmes. Une lecture espiègle, à faire un dictionnaire à la main.
Le troisième ouvrage – le plus gros – est signé Antoine Jaccoud. Ce n’est bien sûr pas la taille qui compte surtout que nous ne jouons pas dans la même catégorie : il s’agit de poésie. Le titre – Adelboden – fait allusion à une station de l’Oberland bernois. Rien de bien croustillant aux yeux d’une française, jusqu’à ce que je me laisse un peu mieux pénétrer par l’esprit suisse qui sait si bien faire rimer humour et coquinerie. Finir par un rire, alors que d’habitude on commence par là, ce n’est pas rien. Et – plaisir ultime – sur ce chaste blog ouvert à tous les yeux, je peux enfin partager avec vous un extrait :
L’Invitation
Ce devait être notre
première soirée échangiste
et tout est parti de travers.
D’abord le chien qui a vomi
ensuite Madame Mühletaler
celle que je devais bricoler
qui perd son papa
– un téléphone
au moment de quitter la maison,
des dessous chers dans son sac de voyage.
Bref des catastrophes en chaîne
à vous dégoûter de la vie
et de ses petits plaisirs.
Alors avec ma femme
on a bouffé les olives
on a bu le Prosecco
et puis on est allé se coucher
sans même toucher
aux accessoires.
ISBN 978-2-940127-79-6
ISBN 978-2-940127-77-1
ISBN 978-2-940127-65-8