Amandine Glévarec – Vous semblez avoir renoncé à une carrière toute tracée pour vous consacrer à l’écriture. Quel est votre parcours ?
Lolvé Tillmanns – J’aime étudier et je n’aime pas les limites. J’ai donc passé plusieurs années à l’université afin de chercher à mieux comprendre la société, l’économie et l’environnement, ce qui m’a mené assez naturellement au secteur de l’énergie. J’ai alors commencé une carrière de « petits cadres pour grandes entreprises ». Après quelques années, j’ai changé d’employeur et je me suis prodigieusement ennuyée, ce qui m’a obligée à me poser les bonnes questions. J’y ai répondu en révolutionnant ma vie : écriture et multiples activités à temps partiel au programme ! J’ai gardé un pied dans l’énergie – secteur qui me passionne toujours – en travaillant avec une coopérative agricole qui produit de l’énergie solaire, j’enseigne le français à des adultes et j’essaie d’écrire des romans. J’ai fait ce changement salutaire il y a bientôt trois ans et je ne l’ai pas regretté une seule minute depuis.
A. – De quoi se nourrit votre imaginaire ? Quels sont vos influences et vos essentiels ?
L. T. – Les gens. Les gens me touchent, m’agacent et me surprennent tous les jours. Ils sont pour moi une source d’inspiration infinie. J’adore regarder les passants, deviner leurs conversations et leur vie. Seule devant mon bureau, j’essaie de les faire vivre, de les comprendre pour les écrire.
Je lis également beaucoup, vraiment beaucoup. Chaque écrivain est un professeur particulier, de ce qu’il faut tenter d’atteindre ou de ce qu’il faut éviter à tout prix. Dans mes maîtres absolus, je citerai Philippe Roth et Steinbeck, j’aime tout simplement tout chez ces deux-là. Quant à mes collègues romands, j’ai beaucoup de plaisir à lire Florian Eglin ou encore André Ourednik, ils font justement fi des limites et nous offrent des textes surprenants et souvent très drôles.
A. – Votre premier livre – La Genèse du papillon – appartient à la catégorie Fantasy. Pour le coup, 33, rue des Grottes est plutôt du genre terrifiant. Était-ce une envie d’explorer un nouveau style ? À quoi nous attendre pour le troisième opus ?
L. T. – Comme je l’ai déjà dit, je déteste les limites. J’écris également pour explorer, je recherche les défis. J’aime changer de genre, de structure, de thème.
Mon troisième roman est une histoire de famille (qui devrait sortir en 2015), le quatrième évoque la rencontre éternellement manquée de deux amoureux et les projets suivants seront encore tout autre.
A. – Avez-vous démarché beaucoup de maisons ? Pouvez-vous nous parler des éditions Faim de siècle & Cousu mouche ?
L. T. – Trouver un éditeur… la question qui tue ! Pour mon premier roman, j’ai envoyé mon manuscrit à une quinzaine de maisons. Lorsque j’ai compris que très peu d’éditeurs de la région se lançaient dans ce genre, j’ai renoncé. C’était le premier, je n’étais d’ailleurs pas tout à fait convaincue qu’il avait la qualité requise pour un véritable éditeur. Mais ce roman était important pour moi, alors j’en ai fait une auto-édition dite à la demande. C’est-à-dire que les personnes intéressées le commandent sur Internet et le reçoivent à la maison ou en e-book sur leur liseuse. Je ne voulais pas inverstir d’argent pour me constituer un stock et devoir faire de la promotion afin de rentrer dans mes frais. Cette solution était donc idéale pour ce premier essai. Pour le second ouvrage, j’ai recommencé à envoyer mon manuscrit à divers éditeurs et Cousu mouche a répondu présent. La relation avec eux est très agréable. Ils me proposaient des corrections sur le roman, mais je restais maîtresse du texte. Je pense qu’ils m’ont ainsi permis de l’améliorer sans le dénaturer. Je suis également ravie de la couverture que je trouve très réussie ! De plus, ils m’encouragent vraiment pour la suite, quitte à me voir partir pour un éditeur qui a plus de moyens. Ce sont vraiment des passionnés qui aiment les livres et les auteurs.
A. – Investissez-vous beaucoup d’énergie dans la promotion de votre livre ou dans des projets annexes ? Trouvez-vous facilement votre place dans la vie littéraire romande ?
L. T. – Je ne considère pas l’écriture comme un loisir, mais comme un travail. Un travail qui me passionne et m’est devenu indispensable, mais un travail tout de même. Ce qui veut dire que j’essaie d’être professionnelle, de ne pas m’arrêter lorsque la correction devient laborieuse et que je m’investis dans la promotion. Je réponds au mieux aux sollicitations et je suis présente sur les réseaux sociaux.
Pour exister dans la vie littéraire romande, il faut absolument avoir publié chez un éditeur. Cette étape ne s’est concrétisée qu’au mois de mai de cette année dans mon cas, mais j’ai immédiatement vu la différence. C’est une sensation assez curieuse. Rien n’a changé de mon côté, je travaille toujours au même bureau et mon processus créatif est resté le même, mais je jouis d’un petit respect tout neuf parce qu’un éditeur a choisi de faire vivre mon roman.
A. – Vous êtes par ailleurs blogueuse. Quelle importance accordez-vous à ce moyen d’expression ?
L. T. – Lorsque j’étais un peu crispée dans un roman, j’écrivais autre chose. Ces micronouvelles me rassuraient, et me rassurent encore. En quelques lignes, je raconte une histoire, une émotion. J’ai eu envie de les partager pour m’affirmer, pour montrer ce que je faisais au moment où rien n’avait été encore publié. Puis, c’est resté, comme un rituel, un rendez-vous avec quelques lecteurs.
A. – Merci d’assouvir notre cusiosité : d’où vous vient un si joli prénom, si peu courant ?
L. T. – De ma mère et d’un livre. Pour les plus curieux, Marguerite Duras est en excellente place dans la bibliothèque maternelle…